Ce mois d’août 2011 aura été l’un des plus meurtriers pour les usagers des routes ivoiriennes. Nous avons accusé les transports en commun, jugé les policiers par là et maudit les sorciers par-ci mais le problème est plus vaste et profond qu’on ne le pense. Il semble que ce soit un ensemble de choses avec des responsabilités partagées qui concourent à ces hécatombes sur nos routes. A l’analyse des facteurs responsables des accidents, on se rend compte que tout est fait pour qu’on ait des accidents. Et quand il n‘y a pas d’accident, un esprit cartésien se demanderait comment font-ils pour ne pas se tuer sur leurs routes.
L’état des routes
Nous routes sont connues pour être de véritables bourreaux des suspensions des véhicules et partant responsables d’un grand nombre d’accidents. A Abidjan la capitale, les routes sont trouées de nids de poule et autres dos d’ânes de fortunes construits par des personnes qui ne savent qu’il y a des règles en la matière. De Cocody à Yopougon en passant par Abobo, Marcory et autre, aucun quartier n’est épargné. Même les routes refaites il y a un an sont déjà perforées…
La signalisation routière
La signalisation verticale et horizontale est quasi absente des routes ivoiriennes. Les panneaux ont été transformés en marmites et casseroles par des artisans véreux. Les feux tricolores ? C’est quand ils marchent qu’on est surpris. Pire, ils sont presque toujours accidentés par on ne sait qui. Les marquages au sol n’existent plus et là où ils ont été repris, on ne les distingue plus.
L’état des véhicules
Au passage de certains véhicules on se demande comment ils font pour marcher et transporter des gens. Des véhicules très vieux et mal entretenu sillonnent nos communes et transportent des passagers au nez et à la barbe des forces de l’ordre. Comment laisser rouler un véhicule dont l’usure des pneus laisse voir les fers internes ? Comment font-ils pour circuler avec deux phares cassés et sans clignotant? Comment comprendre que des bus avec des amortisseurs cassés transportent les Ivoiriens faisant fuir tous les véhicules qui roulent à leur côté ?
Nos comportements
J’ai appris à mes dépends qu’à Abobo on ne s’arrête pas au feu vert! C’est révélateur. Les trottoirs sont utilisés pour la circulation par tout le monde, oui, tout le monde. Les particuliers et les conducteurs de véhicules 4×4 sont pires. Faisant confiance au gabarit de leurs véhicules, ils vous violent la priorité et vous insultent si vous bronchez.
Le permis de conduire
C’est de là que tout part. Tout le monde achète le permis en Côte d’Ivoire! Les inspecteurs des examens sont aussi corrompus que les policiers sur la route, sinon plus. Comment comprendre que tous ceux qui ne paient pas (au moins 10.000 FCFA ) échouent aux examens du permis? Et sans honte ils vous le disent en face: Si tu ne paies pas tu n’auras jamais le permis!Ainsi, on donne le permis à des personnes qui ne devraient pas l’avoir (cécité, méconnaissance du code de la route, non-maîtrise du véhicule) et on s’étonne qu’ils fassent des accidents. La première réforme pour la sécurité routière devrait commencer par les autoécoles et les conditions d’obtention du permis de conduire.
Les contrôles sur route
Les agents affectés à la circulation routière sont corrompus. C’est une habitude qui a la peau dure. Vous brûlez un feu, tendez un billet de 1.000 francs au policier et il ne cherchera même pas à voir votre visage!En 2009, un ministre a décidé que tous les véhicules dont les pièces (visite technique et surtout assurance) n’étaient pas complètes et valides ne circuleraient plus. Stupéfaction: Les rues d’Abidjan se sont vidées et pendant une semaine le pays a été paralysé. C’est révélateur. 75% des véhicules de transport en commun roulent sans les documents obligatoires. Et pourtant ils sont contrôlés chaque jour sur les routes par des agents qui ne pensent qu’à leur poche.
La prévention
L’Office de Sécurité Routière (OSER) est muet depuis un bon moment. Et pourtant la prévention permet de diminuer le nombre d’accidents. Les radars routiers sont peu fiables et ne sont pas encore de retour depuis la crise post-électorale. Lorsque toutes ces conditions sont réunies et que les accidents n’arrivent pas, il faut plutôt se poser des questions.
Les responsabilités sont partagées et personne ne se remet en cause tant qu’il n’est pas personnellement touché par une tragédie. Il est temps que les véhicules non assurés et sans visite technique ne circulent plus. Des stages de conduite défensive doivent être instaurés par l’OSER pour les infractions graves au code de la route. Une police des polices doit effectivement lutter contre le racket et la corruption des agents affectés à la circulation routière. Le parc de la SOTRA doit être passé au peigne fin et les bus dangereux remplacés.
Mais au-delà de toutes ces mesures, le premier facteur pour limiter les accidents c’est la prise de conscience des usagers de la route: Hearts and minds. Mettons-y du cœur au lieu d’accuser les sorciers. Peut-être que nos actes mêmes sont de la sorcellerie.