L’école gratuite et obligatoire
L’annonce a été faite par le président ivoirien Alassane Ouattara lui-même, en Côte d’Ivoire, l’école sera obligatoire pour tous les enfants de six à seize ans, dès la rentrée scolaire 2015-2016. Cette mesure à saluer vise à augmenter le taux d’alphabétisation qui est de 56,9% pour les adultes ivoiriens.
Pour atteindre cet objectif l’exécutif ivoirien ne va pas lésiner sur les moyens. Ainsi une enveloppe de 700 milliards de Francs CFA sera allouée au PSO (Programme de Scolarisation Obligatoire). Une grande partie de cette somme sera destinée à payer les salaires de près de 5 000 instituteurs et professeurs de collèges à recruter. Pour aller plus loin le gouvernement prévoit aussi des sanctions pour les parents qui ne respecteront pas cette mesure: « Les parents qui violent la présente loi qui impose la scolarisation obligatoire, ces parents malheureusement pourront subir une peine de prison de 2 à 6 mois et une amende pouvant aller jusqu’à 500.000 Francs CFA ou l’une ou l’autre de ces deux peines seulement», a déclaré le porte parole du gouvernement Bruno Koné, à l’issue du Conseil des ministres mercredi 29 juillet 2015.Et c’est ce point qui focalise toutes les attentions aujourd’hui au risque de faire oublier qu’il accompagne une décision juste et salutaire. Les débats vont bon train et les sceptiques sont nombreux quant à l’application de cette loi. La mesure prise il y a deux mois s’appliquera dès la rentrée scolaire prochaine prévue pour le mois de septembre.
Des questions demeurent
Comment appliquer cette obligation?Comment surveiller les parents qui n’envoient pas les enfants à l’école?Que faire de ces milliers d’enfants à Adjamé au marché, à Abobo dans les mini-bus (Gbaka) ou aux champs à Dikodougou?L’Etat a t-il les moyens de faire la surveillance? De sanctionner les contrevenants? Avons-nous suffisamment de places dans nos prisons?Quelle crédibilité quand on se rendra compte que c’est du bluff?
La répression ne fonctionne pas
S’il y en a qui pensent que seule la répression peut faire changer les choses, je suis d’un autre avis. Dans ce pays nous avons observé au cours de ces dernières années un mode de fonctionnement des lois qui finit par les tuer. Une interdiction est décidée en conseil des ministres et communiquée au public, ensuite la répression commence. Un mois après c’est la fin de la répression et aussi de cette loi.
L’interdiction des sachets plastiques et la vente d’eau en sachets: nous avons observé des courses poursuites entre la police et les vendeurs, les boutiques ont cessé de donner des sachets et quelques mois après c’est le retour au statu quo. L’interdiction du téléphone au volant a suivi le même schéma. Les policiers ont tous photocopié le décret pour attendre les automobilistes dans la rue.
Après avoir racketté pendant un mois, ils ont levé le pied et aujourd’hui les conducteurs téléphonent au volant au nez et à la barbe de la police.Ce fut pareil pour les vendeurs ambulants dans nos rues et aux carrefours. Même scénario pour la vente ambulante de pain. Interdire pour interdire et brandir la carte de la répression ne marche pas. Nous sommes encore dans le syndrome de l’effet d’annonce qui continue dans ce pays. Et il faut plutôt voir le problème autrement pour trouver les solutions. Et ce n’est pas une affaire d’une seule année.
Si en 2015 des parents n’envoient pas leurs enfants à l’école il faut aller chercher les causes fondamentales. Une fois ces causes identifiées, l’on pourra mieux travailler sur les solutions.
Les raisons profondes
- L’ignorance : des parents ignorent que l’école est obligatoire et très importante pour leur enfant. Après tout, il vivent et mangent sans y être allés,
- La cherté de l’école: l’école publique est dite gratuite mais les COGES (Comités de Gestion) et directeurs d’écoles qui instituent des cotisations sans fin, le transport et la restauration des enfants qui vont à l’école, les tenues scolaires et autres frais cachés,
- Il n’y a pas suffisamment d’écoles: Le nombre d’écoles disponibles est insuffisant,
- Les enfants aident les parents dans les champs dans les zones rurales,
- Il n’ y a pas de cantines scolaires,
- Etc
A partir des problèmes de fond l’on peut trouver de meilleures pistes pour améliorer le taux d’alphabétisation que par la prison. D’ailleurs, je doute que quelqu’un qui n’a pas les moyens de scolariser ses enfants puisse payer cette amende de 500 mille francs CFA.
Quand on a encore des écoles avec 120 élèves dans une classe de seconde, on ne brandit pas la prison pour les parents. On finit de mettre les conditions d’accès à l’éducation avant de vouloir mettre les gens en prison.
Peut être que dans une autre dimension, un parent en prison va inscrire son enfant immédiatmement à l’école.
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