Il y a quelques mois je parlais de la riziculture en Côte d’Ivoire avec un ensemble d’acteurs qui ne faisaient pas ce qu’il faut pour régler le problème d’autosuffisance alimentaire.
Récemment j’ai posé une question banale à fin d’une réunion technique avec un grand producteur de riz et la réponse m’a fait peur. En effet nous avions fini de discuter des semences, des intrants, des analyses de sols, de la récolte, du blanchiment et de la commercialisation du riz.
Et un souvenir d’enfance m’est revenu. J’ai alors demandé comment ils comptaient gérer la question des oiseaux granivores. Autrement dit, » Comment allez-vous protéger les parcelles contre les mange-mil »?
Quel mange-mil?
Avant d’aller plus loin il faut savoir de quel mange-mil je parle. Je ne parle pas des policiers corrompus ou des michetonneuses dont parlaient les Esprits de Yop dans les années quatre-vingt-dix.
Quand je dis mange-mil, je parle du travailleur à bec rouge, aussi appelé quelea quelea, e petit passereau de la famille des Ploceidae. Il est sans doute l’oiseau sauvage le plus représenté au monde avec une population estimée à un milliard et demi d’individus. Il vit en Afrique Subsaharienne, en colonies très denses selon Wikipedia.
Un oiseau ravageur
Le quelea quelea est un oiseau granivore qui vit en larges colonies pouvant atteindre le million d’individus et qui se nourrit de graines. Pendant la saison sèche il picore au sol des grains et gratte la surface du sol avec ses pattes pour faire sortir les grains enfouis. Cette action entame le taux de germination et pousse les producteurs à semer de nouveau.
Cependant, la pire action de cet oiseau est faite pendant la saison des pluies lorsque les céréales arrivent à maturité. C’est aussi en cette saison que cet oiseau se reproduit, fait son nid et a besoin de beaucoup se nourrir. Les colonies se déversent sur les parcelles de riz et dévorent les grains qui arrivent à maturité. En quelques minutes, une grande colonie peut détruire toute une parcelle. Les mange-mil commencent les attaques très tôt le matin et retournent à leurs nids au crépuscule.
Selon plusieurs sources les pertes de récoltes se chiffrent en centaines de millions de tonnes dans l’ensemble de la zone sahélienne. D’autres statistiques parlent de pertes entre 5% et 20% des récoltes du fait des oiseaux.
Un facteur de décision
Lors d’une visite de parcelles de palmiers à huile à Sikensi, j’ai eu une conversation en aparté avec un producteur qui se plaignait de la chute du cours de l’huile de palme. Il avait du mal à joindre les deux bouts. Avec le kilogramme de régime de palme à 38F, il ne couvrait pas ses charges. Et cela l’empêchait d’avoir des ressources disponibles pour s’acheter…du riz pour nourrir sa famille.
>Pourquoi vous ne faites pas de riz ?
> Le travail du riz est trop compliqué et les oiseaux détruisent les plantations.
Cette vérité n’est pas isolée. Plusieurs producteurs de riz sont freinés dans leur élan par la menace du quelea quelea en Côte d’Ivoire. Et sans une solution, le nombre de riziculteurs pourrait être un frein à notre autosuffisance en riz à l’horizon 2030.
Quels moyens de lutte?
Le problème affecte les régions du monde de façon différente. Les solutions mises en œuvre sont variées et parfois coûteuses.
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Les méthodes directes
Les méthodes directes de lutte visent à éloigner les populations d’oiseaux déjà installées sur/près des parcelles de céréales déjà en production. Ces méthodes sont principalement le gardiennage, l’effarouchement, la pose de filets, la pulvérisation d’avicides ou la destruction des nids. Ces méthodes directes montrent leurs limites lorsqu’on veut faire des milliers d’hectares de riz par des milliers de petits producteurs.
Par ailleurs, existe aussi des solutions modernes qui combinent la technologie et la biologie. Ainsi des appareils sont installés autour des parcelles pour émettre des sons et/ou des lumières pour repousser les oiseaux. Pour certains de ces appareils il faut de l’électricité et d’autres fonctionnent avec de petits panneaux solaires intégrés. Il faut toutefois signaler que ces solutions ne sont pas répandues en Côte d’Ivoire.
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Les méthodes préventives
Elles visent à prévenir les attaques et à réduire l’attrait des parcelles de riz pour les oiseaux. Ces méthodes comportent l’aménagement du calendrier cultural, la création de parcs céréaliers pour les oiseaux.
À vrai dire, la situation ivoirienne est complexe au vu des zones couvertes par la SNDR et le nombre de petits producteurs impliqués. Si des solutions pratiques, faciles et pas chères ne sont pas trouvées, ces petits oiseaux au bec rouge pourraient être un frein à notre autosuffisance alimentaire.
23/04/2021 at 08:11
Tres pertinent.
Mais helas le problème reste sans véritable solution..