En Côte d’Ivoire nous voyons passer de nombreuses annonces de vendeurs en ligne qui affichent fièrement que leurs produits sont bio. Je crois qu’il est temps d’expliquer un peu ce que c’est. Une grande partie de la population ivoirienne ne s’y retrouve pas. Et cette absence d’informations et de contrôle arrange bien les affaires de certains commerçants. Ils vendent tout et n’importe quoi sous l’étiquette bio. L’agriculture biologique reste mal connue dans nos pays.
Définition du bio
Un produit est dit bio s’il est issu de l’agriculture biologique. Ce mode de production exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés ) et limite l’emploi d’intrants (produits apportés aux terres et aux cultures comme les engrais, les insecticides etc.). Si on veut aller loin, l’aspect respect de l’environnement doit être sérieusement défini. On ne devrait pas faire voyager des produits bio par bateau pour les vendre à l’autre bout du monde.
Le bio est avant tout un label qui impose un cahier de charge clair et qui définit les méthodes de production permettant à un organisme certificateur de dire si un produit est bio ou pas.
L’agriculture biologique est organisée en label, mouvements et fédérations. Au niveau international, on retrouve la fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) qui définit les grands principes de l’agriculture biologique.
Avantages et inconvénients
Le bio n’est pas seulement un argument marketing. La croissance soutenue des ventes de produits bio et l’augmentation des surfaces cultivées en agriculture biologique sont des signes qu’il s’agit d’une alternative sérieuse à l’agriculture conventionnelle. Sur le long terme, elle doit être envisagée et bien encadrée pour éviter que le capitalisme ne la détourne de son objectif de respect de l’environnement. Pour un consommateur, le bio présente deux aspects à prendre en compte:
- La face de la médaille Pas de pesticides, d’antibiotiques ou d’hormones. Peut être plus riche en nutriments Goût généralement plus frais Mieux pour l’environnement
- Le revers de la médaille: Coût plus élevé Disponibilité limitée (que ce soit en variété ou en emplacement) Peut avoir une durée de conservation plus courte en raison de moins d’agents de conservation
La certification
Pour affirmer qu’un produit est bio, il faut vérifier s’il a l’étiquette d’un label. Les labels font des audits avant de donner la certification. L’agriculture biologique répond à un cahier de charges rigoureux, surveillé par de fréquents contrôles d’organismes de certifications.
Il faut trois ans à peu près à un agriculteur pour se convertir au bio, pour permettre à ses terres de retrouver une fertilité naturelle, qui lui permettra de nourrir ses vaches avec les produits de sa ferme.
En Côte d’Ivoire il existe à ma connaissance qu’un seul label qui fait la certification bio: Ecocert. Et ce label affirme clairement que ses activités dans le pays se concentrent sur le café et le cacao. Il n’y a donc à ce jour aucune structure ivoirienne qui fait de la certification bio en Côte d’Ivoire.
Cependant, on peut trouver hors du pays des produits faits en Côte d’Ivoire qui portent le label AB (Agriculture Biologique). C’est le cas d’une partie de la production de banane de SCB, de quelques productions de mangues au nord du pays et de certaines productions d’ananas. Les promoteurs de ces produits ont eu recours à des labels européens pour se faire une place dans ces marchés où les consommateurs sont prêts à payer le juste prix pour des produits bio.
Les amalgames
Chez nous malheureusement beaucoup de personnes pensent que tout ce qui est naturel est bio ou tout ce qui vient du village est bio. Nous sommes aussi victimes du matraquage publicitaire des chaînes françaises à travers les bouquets Canal + en Afrique francophone.
On rencontre des personnes qui disent ne manger que bio mais qui mangent bien la baguette de pain vendue à Abidjan, le bœuf importé ou encore le pop-corn. Le riz importé, l’huile de colza ou l’huile de tournesol, la mayonnaise importée, le poulet et j’en passe sont autant de produits qui ne sont pas toujours issus de l’agriculture biologique. Faire la fine bouche alors qu’on consomme tous ces produits sans se poser de questions est paradoxal.
Il y a aussi ceux qui pensent que tout ce qui vient de nos campagnes est bio. Nos agriculteurs aussi utilisent des produits de l’agriculture conventionnelle. Ils ont souvent recours aux engrais minéraux/chimiques, aux pesticides de synthèse et surtout aux herbicides. Vous ne pouvez pas dire que le bissap est bio simplement parce que les feuilles utilisées proviennent d’un village. Qu’en est-il du sucre que vous y ajoutez? Quid de la bouteille dans laquelle il est vendu ?
Un bon filon commercial
Les vendeurs en ligne ont compris l’intérêt des Ivoiriens pour le bio même si les contours restent flous pour la majorité. C’est pour cela que nous avons des pages qui n’hésitent pas à afficher que leurs produits sont bio, sans label, sans preuves.
Prenons le cas des vendeurs de poulets de chair qui affirment que c’est bio. On n’a pas besoin de certification pour le savoir que c’est faux. Les poulets de chair ici sont nourris avec des aliments contenant des hormones de croissances, du maïs importé non bio et parfois contenant des OGM. Pareil pour des vendeurs de poissons qui ne peuvent même pas dire d’où proviennent les produits qu’ils vendent alors qu’ils les déclarent bio.
Il ne faut pas se méprendre sur ce que j’essaie de dire. Il ne faut pas opposer le bio et le conventionnel. Je consomme des deux et ne crois pas qu’il faut cracher sur les produits de l’agriculture conventionnelle ou sur le bio. Il faut faire des choix éclairés et non suivre les tendances imposées par la télévision.
Attention à l’impérialisme nouveau
Je vais cependant prendre position ici: ne nous laissons pas distraire, le bio dans les pays développés fait moins de 10% des ventes de produits alimentaires. En gros, ils ne passeront pas toute leur agriculture au bio à 100% maintenant. Le bio vient avec des coûts et des réductions de rendements sur le court et le moyen terme.
Ce n’est pas parce que les publicités à la télévision (française) nous sont diffusées à longueur de journée que nous allons cracher sur l’agriculture conventionnelle. Elle continue de nourrir le monde. Par ailleurs nos pays africains sont les plus faibles consommateurs de pesticides et d’engrais à l’hectare de terre cultivée dans le monde. Ceci explique aussi pourquoi l’Afrique continue d’importer les denrées alimentaires de base. Les pays exportateurs de produits alimentaires ne sont pas arrivés à ces niveaux de productivité avec l’agriculture biologique. Ils ont modernisé leur agriculture et utilisé les acquis de la science pour améliorer les rendements, devenir autosuffisants et ensuite exporter leur surplus de production.
Nous ne sommes pas en sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire. Si les pays asiatiques cessent de nous vendre du riz, nous aurons des crises sociales. Si les importations de blé s’arrêtent, vous verrez des révoltes populaires dans de nombreux pays d’Afrique Francophone. Une rupture de stock de baguette française dans nos villes est inimaginable. Pour reprendre ce que Thomas Sankara disait, l’impérialisme se trouve dans nos assiettes. Les changements de nos habitudes alimentaires ne sont pas sans conséquences. Nous continuons ainsi de consommer ce que nous ne produisons pas et de produire ce que nous ne consommons pas en Afrique. Les exportateurs des denrées que nous aimons sont ceux qui se frottent les mains.
Pour aller plus loin
L’agriculture biologique en Afrique
29/05/2021 at 06:50
Bravo pour ce billet, Chief!
28/05/2021 at 23:53
Merci cher manager pour cet article qui nous éclaire sur les produits bio et ceux issus de l’agriculture conventionnelle
28/05/2021 at 22:01
un bon billet bien senti, comme j’aime, merci infiniment
28/05/2021 at 21:10
1. Les Occidentaux peuvent s’offrir ce «luxe» de consommer ou de parler Bio car ils mangent à leur faim. Nous, nous devons viser l’autosuffisance avant d’envisager ce « luxe Bio »
2. Dans plus de 90% des cas, le Bio est un leurre. Cela est décelé quand toute la chaîne de production, transport, transformation, commercialisation est passé au peigne fin.