Koné Zélé mieux connue sous le nom de Zélé de Papara est née en 1934 à Koulousson. Papara est une petite bourgade de près de neuf mille habitants située à vingt quatre kilomètres de Tingréla dans l’extrême nord de la Côte d’Ivoire près de la frontière avec le Mali. En pays Senoufo le prénom Zélé se donne à la cinquième fille (Pour un garçon on utilisera l’équivalent qui est Doh). Son prénom indique la taille de la famille dont était originaire cette grande dame de la musique traditionnelle ivoirienne.
Une vie sociale tumultueuse
Comme les autres femmes de la région, Zélé aura une vie matrimoniale mais le sort aura décidé de lui servir des malheurs. De sa première union naîtront onze enfants, mais malheureusement aucun de ses enfants ne vit au delà de trois ans.
Elle sera maltraitée et marginalisée car vue comme étant une sorcière. La pression sociale dans ce genre de situation est si forte au nord de la Côte d’Ivoire que même la famille proche rejette la femme accusée ainsi à tord.
Alors Zélé quitte son foyer et retrouve sa famille à Papara. Elle se remarie et le même sort la suit. Aujourd’hui il n’y a presque plus de trace visibles à part sa musique qu’il faut longuement chercher pour l’avoir. Les rares photos sont disponibles sur une page Facebook qui fait la promotion du village dont elle est originaire.
Une grande carrière musicale sans bénéfices
Malgré les tumultes de sa vie sociale, Zélé ne se laisse pas abattre. Elle consacre sa vie à la musique, un héritage qu’elle va porter au delà des niveaux atteints par ses maîtres. Zélé possédait une belle voix gutturale et une maîtrise parfaite de sa langue maternelle.
Elle a été initiée très tôt à la musique « Bariè » dont les chants galvanisent les laboureurs lors des travaux champêtres. Selon le chef du canton Nafana, Koné Namakoro, sur des airs de balafon, « Zélé pouvait, par ses louanges, amener même les paresseux à se surpasser en fouettant leur orgueil ». Sa carrière musicale commence en 1965.
Elle est désignée comme chanteuse principale de « Bariè » à Papara. Révélée au grand public avec sa participation au premier Festival national des masques et danses traditionnelles en août 1987 à Yamoussoukro, elle s’est produite sur plusieurs grandes scènes mais sans album, sans tirer de retombées financières de son travail. La chansonnière ne faisait pas cette musique pour de l’argent parce que « l’héritage de nos parents n’est pas à vendre » comme elle le disait. Avec son petit tambour à la hanche, son chapeau de chasseur, sa tenue en pagne traditionnel, Zélé a la chance de se produire partout dans le pays au delà des prestations champêtres qui sont le lot habituel des chansonniers dans son genre. Sa renommée va dépasser le pays Senoufo et elle deviendra très vite le symbole d’une musique traditionnelle alors très peu valorisée dans un pays en pleine lutte contre la crise économique.
Malgré son talent, ses qualités vocales irrésistibles et ce qu’elle représentait comme symbole dans tout le grand Nord, elle n’a pu bénéficier d’aucune assistance pour améliorer ses conditions de vie. Ainsi, en ce début des années 90, Zélé continue de vivre dans son village dans une petite case en banco. Et comme si le sort n’avait pas fini de s’acharner sur elle, sa vie va s’arrêter dans des conditions atroces. En pleine saison des pluies, le 17 août 1994 où après une longue journée de travail et pluie, elle rentre se coucher. Les murs de terre de la case fragilisés par l’eau cèdent et ils s’écroulent sur elle dans son sommeil. Zélé ne survivra pas à l’éboulement. Elle sera inhumée très rapidement dans la sobriété et la discrétion.
Une reconnaissance posthume
Aujourd’hui alors que ses œuvres sont revendues sur support numérique au détriment de ses ayants-droits, Zélé a droit à une reconnaissance tardive. Ainsi en 2015 le gouvernement ivoirien s’est engagé à dégager les moyens nécessaires pour numériser et sauvegarder l’œuvre de Zélé de Papara. L
e ministre porte-parole du gouvernement a promis à ses ayants-droits qu’il fera du lobbying auprès de son collègue de la Culture et de la Francophonie, Maurice Kouakou Bandaman, pour que ses chansons soient inscrites au patrimoine national, plus de 20 ans après son décès.
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